Comment réaliser des expéditions ? Comment devenir cinéaste ? Comment réaliser ces deux rêves qui peuvent sembler impossible de prime à bord ? Nous avons décidé de poser ces questions à Caroline Côté. Elle a démissionné de son poste en communication en une entreprise pour devenir cinéaste-d’aventure, et elle t’explique comment elle a fait.
Nous avons entendu parler de Caroline pour la première fois lors de son expédition Electron en 2018. Lors de cette aventure de 74 jours, elle a relié — à ski, à pied et à vélo — Natashquan à Montréal en suivantga le tracé des lignes électriques d’Hydro-Québec (soit 2 000 km).
Quand on lui demande quel a été sont plus gros défi dans cette aventure, on aurait pu s’imaginer qu’elle nous réponde le froid, les aspects techniques, les risque d’engelures… Non… Sa plus grosse difficulté était celle que rencontre souvent les créateurs, les entrepreneurs : la solitude.
Il lui arrivait de passer 10 jours d’affilés sans voir une seule personne. Caroline a trouvé ça difficile de ne pas pouvoir partager en direct avec quelqu’un ses découvertes, par exemple, un magnifique lever de soleil.
Tu ressens peut-être la même chose pour tes projets, si c’est le cas lis cet article et dis-nous ce que tu en penses.
Quoi qu’il en soit, l’histoire de Caroline va t’inspirer !
Tu ne la connaît peut-être pas encore mais Caroline Côté est cinéaste d’aventure et réalisatrice.
Elle a participé à de nombreuses expéditions, que ce soit en Antarctique, au Yukon, au Nunavik ou encore une traversée de l’Atlantique en voilier !
Les créateurs nomades : le podcast
Bienvenue dans la série d’articles et de podcasts sur les créateurs nomades. Notre objectif est de partager avec toi l’histoire de créateurs qui exercent leur métier sur les routes ; qu’ils soient photographes, illustrateurs, développeurs, musiciens, graphistes, vidéastes ou troubadours !
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Changer de vie et retrouver ses racines
En 2014, Caroline décide de démissionner de son job en communication dans une entreprise corporative à Montréal.
La routine, la nécessité de travailler obligatoirement du lundi au vendredi de 9 h à 5 h… Caroline avait l’impression de perdre ses racines, elle se sentait déconnectée de la nature, son milieu de vie ne lui ressemblait plus.
Elle a donc pris la décision de changer de mode de vie.
Au CÉGEP (équivalent de la Terminale à BAC+2), elle avait étudié la communication et le cinéma. À cette époque, elle avait décidé de ne pas poursuivre dans cette voie par peur de ne pas trouver de travail.
Elle a ainsi pu rencontrer les bonnes personnes : on lui a ainsi proposé une expédition en canot au Yukon ou encore de partir pour un mois en Antarctique, en autonomie.
Trouver son positionnement
En lisant cet article, tu dois certainement te dire : « C’est bien beau tout ça, mais comment est-ce qu’on fait pour se faire inviter et rejoindre une expédition ? ».
Quand elle a commencé à changer de domaine, il y avait encore peu de personnes qui faisaient des vidéos en milieu extrêmes. Et le fait d’être une femme ne lui facilitait pas la tâche.
Il fallait vraiment que je sorte de ma zone de confort.
Mais elle a repris ses caméras et s’est affirmée comme « Cinéaste d’aventure ». Le fait même de dire qu’elle était spécialisée en vidéo d’aventure l’a positionnée comme une spécialiste du domaine et des portes ont commencé à s’ouvrir.
Elle a ainsi pu décrocher ses premiers contrats et l’équipe de XP Antarctique l’a approchée pour la réalisation d’un documentaire.
L’expédition XP Antarctik : un engagement sans faille
Se former pour pouvoir travailler et être autonome en milieu hostile
Caroline n’a pas hésité une seconde à rejoindre le projet XP Antarctique et a pris sur elle de se former pour être apte à suivre l’équipe dans l’aventure : technique d’encordage, escalade, alpinisme et marche sur terrains difficiles.
Je me rappelle avoir eu le refus du leader de l’expédition. En me disant… « Non, je ne crois pas que tu es prête… »
C’est ce que lui a dit le chef d’expédition, 3 mois avant de partir. Cette mauvaise nouvelle n’a pas découragé Caroline, loin de là : elle a redoublé d’efforts pour s’entraîner et être prête pour le départ.
Elle ne voulait pas être un poids pour l’équipe et devait assurer son travail de cinéaste de manière sûre et efficace pour être complètement autonome.
En effet, lorsque tu travailles en milieu extrême comme en Antarctique, tu n’as pas le droit à l’erreur, tu dois donc être parfaitement opérationnel avant de partir, tu ne peux pas apprendre sur place.
S’adapter aux conditions extrêmes
Atteindre l’Antarctique en voilier
Atteindre le point de départ de l’expédition en voilier était déjà une aventure en soi. Ainsi, il fallait que l’expédition franchisse le passage de Drake, une des zones maritimes qui connaît les pires conditions météorologiques du monde !
Caroline a aussi dû s’adapter, car elle n’avait que peu d’expérience en voilier.
Gérer le froid
Même en ayant grandi au Québec, Caroline n’a pas été habituée à des froids aussi intenses qu’en Antarctique. Par exemple, elle n’avait jamais dormi en tente en hiver au Québec avant de commencer à s’entraîner pour l’expédition ! Comme quoi, tout s’apprend !
Une première expérience qui a confirmé son choix de changer de vie
J’ai vraiment dû me dépasser dans toutes les actions que je faisais pour mener à terme le projet de documentaire.
Après avoir quitté son emploi, Caroline Côté a mis toute son énergie dans la réalisation d’un documentaire : tournage, montage, réalisation, postproduction.
Elle a adoré chacune des étapes de ce processus, que ce soit la préparation de l’expédition, l’expédition en elle-même ou tout simplement le montage.
À partir de ce moment-là, Caroline n’a eu qu’une envie : revivre ce process à travers d’autres aventures.
Ça m’a donné envie de le refaire. De quitter le monde urbain, très stressant, avec plein de rendus à faire et travailler avec une compagnie complète. Je n’avais pas envie pour le futur de ma vie. Mais plus de me retrouver avec des gens super inspirants, filmer des équipes qui se dépassent… dans les montagnes, sur l’eau… C’est ce qui m’a amené à vouloir changer ma vie…
C’est d’ailleurs à l’issue de cette expédition qu’elle s’est définitivement positionnée comme Cinéaste d’aventure et réalisatrice.
Gagner sa vie grâce à son projet personnel
Elle a vraiment choisi ce métier par passion. Quand elle a commencé, elle n’était pas payée ou alors très peu.
Elle s’est même demandé si son projet était viable. Mais en faisant le choix de vivre sa passion et de suivre son instinct, Caroline s’est construit son métier.
Cet instinct-là m’a amené à prendre des risques, à investir dans des projets, sans avoir la rémunération au départ.
Finalement, les projets dans lesquels elle s’est impliquée, lui ont servis de vitrine et ont débouché sur d’autres projets, plus payants pour la suite.
Quand on fait ces projets-là, je crois que c’est à ces moments-là qu’on est plus inspirants dans nos domaines, puis c’est là où l’on attire les gens, parce qu’on est bien dans ce qu’on fait.
Si tu souhaites en savoir plus sur le projet personnel et comment il peut t’aider à développer ton activité de créateur, télécharge ce guide gratuit :
Filmer en conditions extrêmes
Caroline prépare son matériel d’expédition et de vidéo/photo des mois à l’avance. Elle réfléchit toujours à la gestion du matériel sur le terrain et aux batteries.
La recherche du matériel le plus compact et léger possible et qui lui assure un rendu professionnel lui demande aussi beaucoup de temps. Chaque expédition est unique. Notre exploratrice fait également attention à la résistance du matériel, car lors des expéditions, il n’y a pas de deuxième chance.
C’est presque comme avoir un enfant à s’occuper en expédition.
Caroline passe énormément de temps lors de l’expédition à s’occuper de son matériel : par exemple, la recharge des batteries, l’humidité dans le capteur des lentilles, etc.
Recharger les batteries par grand froid
Ainsi, pour recharger ses batteries en Antarctique, Caroline utilisait des panneaux solaires. D’ailleurs, elle recommande la marque Goal Zéro qui propose du matériel fiable et résistant en milieu difficile.
Lors de ses expéditions, Caroline a toujours des imprévus. Elle doit souvent s’adapter et se passer d’une caméra défaillante. On ne peut jamais vraiment prévoir ce qui va arriver. Dans les milieux difficiles où elle travaille, elle fait face à beaucoup de bris.
Rester agile avec sa caméra
Avec l’expérience, Caroline Côté préfère emporter un peu moins de matériel et axe ses prises de vues sur la capture des émotions et des moments authentiques.
Par exemple, elle ne cherche pas à faire uniquement des beaux plans de paysages, car il lui faudrait des drones, des stabilisateurs professionnels ou encore les modèles de caméra qu’on utilise au cinéma (et qui pèsent leur poids !).
Bien entendu, elle va capturer des images qui mettent en avant l’immensité du lieu, sa nature sauvage et majestueuse. Mais elle va préférer capturer ses images avec une caméra plus polyvalente, la Sony a7SII.
En plus de cette caméra, elle emporte habituellement une GoPro et un stabilisateur pour sa caméra. Enfin, le plus gros de son équipement reste les batteries pour alimenter les caméras.
Sa caméra Sony a7SII est idéale pour travailler dans des conditions de basse lumière faibles et lui offre également la possibilité de prendre des photos de qualité professionnelle.
Garder une souplesse dans le scénario
Habituellement quand je développe un projet, c’est par rapport à quelque chose qui m’inspire beaucoup. C’est par rapport à une personne que j’ai rencontrée.
C’est pourquoi Caroline construit ses plans de tournages au fur et à mesure de l’évolution du projet. Ils ne sont jamais figés, car elle sait qu’il y aura des péripéties et on ne sait jamais comment cela va se dérouler dans la nature.
Un tout petit scénario qui se transforme et qui change beaucoup.
En réalité, l’idée principale de son documentaire évolue toujours un peu au fur et à mesure du déroulement de l’expédition. Et l’idée se finalise seulement au retour de l’expédition, en période de montage.
Caroline Côté est très sensible à la préservation et la protection de l’environnement. La place des femmes dans les découvertes et les expéditions est également quelque chose d’important pour elle.
Elle essaie donc autant que possible d’intégrer ces idées dans ses documentaires.
Développer les projets clients
De par son expérience avec ses précédentes expéditions, Caroline est souvent approchée par ses clients pour aller vers des destinations froides et extrêmes. Elle reçoit ainsi régulièrement des propositions pour l’Antarctique ou pour des expéditions hivernales au Québec.
Par exemple, pour le projet Electron réalisé avec Hydro-Québec, Caroline a été contactée par l’agence de publicité montréalaise LG2. Ils ont ainsi élaboré ensemble le parcours de l’expédition ainsi que son organisation.
L’objectif d’Hydro-Québec était de produire du contenu pour les réseaux sociaux et non un documentaire. Caroline a donc réfléchi à produire du contenu adapté à ces plateformes.
Bref, il est vraiment important d’être à l’écoute de son client. Dans le guide « booster son activité de créateur freelance », on t’explique tout ça en détail. Tu peux le télécharger ici :
Il lui arrive aussi de rejoindre un projet et de pouvoir l’aider à voir le jour, notamment en apportant des partenaires ou des sponsors.
On travaille à deux par la suite pour rendre ce projet là très affilié à la mentalité de la marque.
Dans ces cas-là, Caroline s’assure que tout le monde y trouve son compte : que ce soit les membres de l’expédition ou les partenaires associés.
En développant sa notoriété, Caroline a également des marques qui se sont intéressées à elle. Ainsi, elles sont devenues des partenaires de long-terme.
Ces marques lui facilitent vraiment la tâche en apportant un soutien en termes d’équipement et d’alimentation pour les expéditions.
Comment préparer et revenir d’une expédition ?
La préparation
C’est une des phases que Caroline préfère. Cela va de la préparation de son matériel à l’alimentation pendant l’expé, les difficultés techniques du parcours, etc.
Quand tu dois prévoir de quoi manger – pour une équipe complète – pour deux mois et demi, il faut beaucoup y réfléchir !
Elle doit aussi penser aux moyens de communiquer en cas d’urgence.
La réadaptation après une expédition en solitaire
Comme on l’a dit dans l’intro, Caroline a une préférence pour les expéditions en équipe plutôt qu’en solitaire.
À travers ces aventures, Caroline recherche surtout l’échange et la collaboration avec d’autres personnes. Elle aime aussi partager ces moments incroyables.
Elle n’est pas fermée à refaire une expédition en solitaire, mais pas tout de suite. Le contact humain reste très important pour le moment.
Au retour de son expédition en solitaire Electron de 74 jours, Caroline a eu besoin de se reposer.
J’ai appris à prendre le temps et à me reposer, c’est tellement important.
Lors d’un défi de ce type, on est amené à se poser énormément de questions sur soi-même. On se retrouve donc forcément en décalage lors du retour à la civilisation.
Monter un documentaire au retour d’une expédition : le processus créatif
Après une expédition, Caroline a besoin d’une période de réadaptation : cela peut aller de 2 semaines à parfois 1 mois !
Un repos indispensable
Lors de cette période, elle va laisser mûrir le projet tranquillement, sans travailler dessus. C’est souvent dans ces moments que ses idées créatives apparaissent tranquillement, naturellement, sans qu’elle cherche à les provoquer.
C’est une période importante avant de commencer un travail qui est super différent !
En effet, lors d’une expédition, un cinéaste d’aventure va se dépasser, avoir mal, avoir froid… il a donc nécessairement besoin de repos au retour.
Le montage
Une fois cette période passée, Caroline démarre le montage. Elle y travaille tous les jours sur des périodes qu’elle essaie de limiter de 1 mois à 2 mois maximum. Cela dépend de l’envergure des projets.
C’est aussi une période d’introspection, car elle passe beaucoup de temps devant son ordinateur sans rencontrer beaucoup de monde. Typiquement, elle travaille de midi à 21 h.
Caroline essaie de garder ses matinée de libre pour pouvoir quand même sortir prendre l’air avant de démarrer. Elle en profite souvent pour aller courir.
Les avantages d’une cinéaste d’aventure
C’est un travail-passion. Elle mène la vie qu’elle a envie de vivre. C’est aussi un moyen pour Caroline Côté d’être connectée à son environnement et d’être dans une position privilégiée pour observer la faune sauvage.
En faisant ce métier, elle est amenée à collaborer avec des personnes qui l’inspirent au quotidien.
Mais quand même quelques inconvénients…
Caroline Côté trouve parfois difficile de vivre le décalage qui s’opère entre elle, les membres d’une expédition et le quotidien, la réalité des gens qui vivent en ville.
Les retours peuvent être très difficiles.
Par exemple, avec son entourage, il peut y avoir des incompréhensions qui engendrent de longues conversations !
Caroline cite l’exemple de ses parents qui sont très stressés à l’idée d’être coincés dans les bouchons (pris dans le trafic). Pour Caroline, le stress va arriver à un tout autre niveau. Par exemple, si elle commence à avoir froid en expédition !
Si tu as vécu un voyage au long-court ou une expatriation, tu as peut-être déjà expérimenté cette sensation (dans une moindre mesure, bien sûr) :
À ton retour, tu as été en décalage avec ton entourage, car tu n’as pas vécu les mêmes expériences. Tu as été exposé à plein de situations culturellement différentes. Tu as dû te retrouver dans de nombreuses situations inconfortables pour toi, etc.
Tous ces apprentissages t’ont transformés petit à petit, sans que tu t’en rendes compte ! Et tu relativises beaucoup plus facilement les petites contrariétés de la vie !
On prend le temps de connecter avec les gens, avec notre environnement quand on est en voyage, quand on est en expédition. Mais quand on est en ville, ici, on est occupés, on passe à côté de plusieurs situations qui pourraient être des moyens pour nous de connecter et de se sentir bien avec notre environnement…
Depuis cette prise de conscience, Caroline essaie de ralentir, de profiter de ce que Montréal a à offrir. Elle prend aussi le temps avec les gens.
Ainsi, elle évite de retomber dans la frénésie du quotidien.
Les inspirations de Caroline Côté
Livres
Vidéos : Sherpas Cinéma
Leur chaîne Viméo
Les conseils d’une cinéaste d’aventure
- S’entourer d’experts : aller vers eux, poser tes questions et comprendre comment ils fonctionnent.
- Se permettre de faire des erreurs au début : c’est normal de se planter* !
- Ne pas hésiter et se faire confiance sans écouter les gens qui te découragent.
* Par exemple, Caroline a perdu énormément de drones à ses débuts !
Et la suite ?
Caroline embarque dans une nouvelle expédition avec Vincent Colliard en Patagonie
Une expédition de 2 mois et demi pour aller étudier les traces de carbones sur un glacier : le Hielo Continental Sud.
Ils ont prévu de parcourir 400 km sur un terrain compliquée avec une météo très difficile, plutôt hivernale (bien qu’ils y seront en l’été !).
Où suivre Caroline Côté ?
- Sa chaîne Vimeo
- Son compte Instagram @caro.line.cote
- Son site web caroline-cote.com
- Et prochainement un livre ! (nous ajouterons la référence à sa sortie en février 2020).
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